Vu de France, dans le journal "La Voix du Nord" d'aujourd'hui...:
Des vieux démons au fond de l’impasse politique belge.
Lundi, les élections et la victoire relative du leader démocrate-chrétien flamand, Yves Leterme, auront trois mois. Trois mois de négociations, de renoncements, de blocages, de coups de force et de petites phrases entre partis flamands et wallons, empêchant la formation d’un nouveau gouvernement et aiguisant la question séparatiste.
PAR OLIVIER BERGER
Place du Jeu de la balle, en plein coeur du quartier populaire de Marolles à Bruxelles, le marché aux puces bat son plein, comme tous les matins depuis 1873. Et si c’était l’idée de la Belgique qui était en passe de devenir une antiquité, coincée entre une pendule et un buffet ? « N’exagérons rien ! » s’esclaffe Wilfried, francophone et rigolard : « Mais c’est vrai que la crise de cette année a réveillé nos vieux démons. » Il est accompagné d’un copain flamand qui raille : « On est une espèce en voie de disparition ! ».
La séparation n’est plus un mot tabou.
Pour beaucoup de Belges, au-delà de l’humour, c’est la résignation et le fatalisme qui l’emportent : atermoiements politiques, nominations par le roi de négociateurs, d’un explorateur, incompréhension croissante entre les deux communautés, volonté flamande de s’arroger les pouvoirs au détriment du gouvernement fédéral et des transferts vers la Wallonnie, menace même floue d’une séparation. La Belgique tremble-t-elle sur ses bases ? Béatrice Delvaux, rédactrice en chef du grand quotidien francophone Le Soir, a titré un éditorial la semaine passée : « Séparation : le mot n’est plus tabou. » La négociation de « l’orange bleue », la coalition entre les chrétiens-démocrates (CD &V pour les Flamands, CDH pour les Wallons) et les libéraux (VLD et MR), s’est transformée au fil de l’été en un face-à -face Nord/Sud et deux conceptions opposées de la Belgique. « Nous non plus, on n’y comprend pas grand-chose, se lamente Jean-François. Ça ne modifie pas notre vie de tous les jours. On attend simplement que les politiques s’entendent entre eux. » Le nom d’Yves Leterme, le leader du CD &V allié avec un petit parti autonomiste (N-VA), excite les passions. Il reste le favori pour le poste de Premier ministre mais s’est jusque-là montré trop brutal pour établir un consensus. Sans oublier qu’il a entonné par erreur La Marseillaise lorsque la RTBF lui a demandé de chanter La Brabançonne… Un explorateur chevronné de son parti, Herman Van Rompuy, poursuit en coulisses les négociations. Il remettra prochainement un rapport au roi. Mais la route est étroite et partiellement défoncée. Le hiatus n’est même plus politique puisque la principale opposante à Leterme est Joëlle Milquet, la présidente des démocrates-chrétiens wallons !
« Leterme s’est très mal débrouillé en ne montrant pas assez qu’après avoir été le premier des Flamands, il pouvait devenir le premier des Belges », analyse Nicolas qui a une mère néerlandophone et un père francophone. « Moi, je suis belge. Je peux leur rappeler ce que cela signifie », ajoute cet agent commercial totalement bilingue.
Un sondage de la VRT, la télévision flamande, illustre la forme de schizophrénie qui s’empare des Belges : 60 % des Flamands et 47 % des Wallons croient la séparation possible mais 76 % des nordistes et 81 % des sudistes estiment que la Belgique existera toujours en 2020. « Si les Flamands ne veulent plus de la Belgique et des francophones mais qu’ils s’en aillent ! lâche Kevin, un antiquaire de la rue Blaes. On les verra à l’oeuvre. Mais je ne crois pas qu’ils iront jusque-là . »
Ensemble ou à côté ?
Si la séparation n’est pas sérieusement d’actualité, les Flamands affûtent leurs revendications. On n’en est pas revenu au « Wallen buiten ! » (Wallons dehors) à l’université de Louvain en 1968. Mais des signes ne trompent pas comme ce tour à vélo du « Gordel », la ceinture flamande autour de Bruxelles, qui a réuni 75 000 personnes dimanche passé ou la décision de la municipalité de Hal de supprimer les panneaux bilingues.
Néerlandophones et francophones vont continuer à vivre à côté les uns des autres. Ensemble, c’est une autre histoire. •
http://www.lavoixdunord.fr/journal/VDN/2007/09/09/FRANCEMONDE/ART747418.phtml