La guerre du burger semble déclarée au sein de la même société. Le géant américain plante des Burger King pile en face des Quick qui lui appartiennent aussi. On a voulu comprendre.
Un an après son arrivée en Belgique, Burger King compte quatorze restaurants. 70 autres devraient suivre d’ici 2022. Quick en comptabilise actuellement 92 en Belgique. Les deux marques se font face à quelques pas de distance à Liège, Anvers, Bruxelles alors qu’elles font aujourd’hui partie de la même société. La stratégie est étonnante. L’américain Burger King a-t-il racheté Quick pour mieux le bouffer ?
Nous avons cuisiné le boss en personne. Kevin Derijcke, CEO de Burger Brands Belgium (BBB), la société qui chapeaute les enseignes Quick et Burger King en Belgique et au Luxembourg, s’est planté debout à son bureau anversois ultramoderne pour nous répondre, sans café ni verre d’eau, droit au but. On vous livre ses réponses brutes. Elles ne manquent ni de sel ni d’épices locales. Et vous savez quoi ? Le match est ouvert : c’est vous qui déciderez.
Vous maintenez la marque Quick, pour le moment. Elle côtoie Burger King. Quelle est la stratégie ?
Kevin Derijcke - Ce n’est pas pour le moment. La stratégie est de garder les deux marques sur le long terme. On n’a pas racheté les 100 restaurants Quick pour les transformer en Burger King. On sera 115 restaurants à la fin de l’année, en principe. Et notre objectif est d’avoir 150 restaurants d’ici 2020. Notre stratégie est d’ouvrir de nouveaux Burger King et de continuer à développer la marque Quick.
La développer, carrément. Comment ?
On a refondu tout l’ADN de la marque en revoyant la gamme de produits. On rénove aussi les restaurants, on développe de nouvelles plaines de jeux. Une demande de nos clients. Quick est très fort sur les familles. On installe également des bornes de commande dans tous les Quick. Donc on soutient la marque à tous les niveaux.
Ce sont deux clientèles différentes pour vous ?
On est sur le même marché. On vise autant les ados que les familles, les grands-parents, les hommes d’affaires. Mais le soir, chez Quick, on a une clientèle plus familiale et chez Burger King, plus jeune. Donc on voit quand même des différences. Par contre, au niveau communication et produit, on est complètement différents. On ne vend pas les mêmes hamburgers ni les mêmes frites. Quick est clairement belge. Depuis un an, on est passé à une viande qui est 100 % belge. C’est la même chose pour les frites : cultivées et transformées en Belgique.
Quick cultive la fibre patriotique.
On a rappatrié la marque qui était partie en France. Mais notre objectif n’est pas de dire au client : venez chez nous, c’est du belge. Mais plutôt de l’inciter à profiter d’un moment de plaisir. Et nous, on fait des choix belges derrière. Quick, c’est le meilleur du belge. Burger King, c’est le meilleur de l’américain.
Quick, c’est le meilleur du belge. Burger King, c’est le meilleur de l’américain.
Quel est l’intérêt économique de maintenir les deux marques ? Ce n’est pas rationnel.
Si, justement, pour nous, ça l’est. Il y avait une très forte demande en Belgique pour Burger King. On le voyait sur les réseaux sociaux avant même d’arriver : 50.000 personnes demandaient à ce qu’on arrive. Ensuite, il y a un amour pour la marque Quick qui reste très fort, surtout dans certaines villes wallonnes, Bruxelles, Anvers. Sur les 22 restaurants Quick de Bruxelles, on en choisit 4 ou 5 qu’on convertit en Burger King. Mais notre volonté est surtout d’en ouvrir de nouveaux. Il y a de la place pour les deux enseignes. On est un des pays d’Europe où il y a le moins de concurrence sur le marché.
Pourquoi ?
En France, il y a une douzaine d’acteurs différents sur le marché du burger. En Belgique, il n’y avait jusqu’il y a deux ans que Quick et McDonald’s. Maintenant, il y a Burger King et je peux vous assurer que dans les cinq ans, des chaînes de pizzas et de fast-food de poulet vont arriver. Notre marché belge a été exploré très tard par les acteurs du fast-food pour plusieurs raisons. En Belgique, vous pouvez espérer ouvrir cinquante ou soixante points de vente. En France, c’est 600 ou 800. Les marques étrangères se basent d’abord sur les grands marchés. Ensuite, la Belgique n’est pas facile avec ses trois langues nationales et ses deux régions qui fonctionnent complètement différemment. Les Flamands et les francophones ne mangent pas la même chose. Et puis, et c’est particulier, on a 4.500 friteries en Belgique. C’est un frein au développement.
C’est le client qui décidera. S’il venait à ne plus aimer la marque Quick et ne plus aller que chez Burger King, nous aurions un problème.
On a quand même du mal à vous croire sur le fait que les deux marques vont coexister pour l’éternité. À un moment, c’est le business, on rationalise.
Ce n’est pas notre volonté. On n’investirait pas autant dans Quick si c’était pour trois ans et tuer ensuite la marque. Après, c’est le client qui décidera. S’il venait à ne plus aimer la marque Quick et ne plus aller que chez Burger King, nous aurions un problème. Ce n’est pas le cas pour le moment.
Ce sont les mangeurs de burgers qui décideront donc. Pouvez-vous nous dire qui ils sont ? Quel est leur profil ?
Les plus accros viennent deux fois par mois dans leur fast-food préféré. Le client moyen se contente de deux à trois visites par trimestre. Et tous les autres viennent une à deux fois par an. La clientèle d’un burger restaurant est très variable suivant son emplacement. Touristes et étudiants forment le gros des troupes à certains endroits. L’inconditionnel de Quick a généralement entre 30 et 40 ans et celui de Burger King a moins de 25 ans. Les études de marché montrent que pour le moment la moitié de nos clients fréquentent plusieurs enseignes (Quick, McDonald’s, Burger King). Un quart est d’une fidélité complète à Quick. Les autres ont une préférence mais vont de l’un à l’autre.