La présence du géant du fast-food McDonald's au salon du livre jeunesse de Montreuil a conduit à la publication d'une pétition réclamant son départ. Si les signataires et certains auteurs s'inquiètent de la publicité donnée au roi de la "malbouffe" auprès des jeunes, d'autres plaident pour aller chercher les lecteurs là où ils sont.
Comme en 2017, au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil (SLPJ) qui ouvrira ses portes le 28 novembre, McDonald’s prévoit de tenir un atelier de lecture sur un stand de 26 m².
Cette initiative vise à promouvoir l’opération "Un jouet ou un livre" chapeauté par la chaîne de restauration rapide, en collaboration avec l'éditeur Hachette Jeunesse.
Chaque année, depuis 2015, elle offre des histoires écrites par Marc Levy ou Katherine Pancol aux enfants choisissant des menus Happy Meal.
Mais cela ne plaît pas à tout le monde. Mise en ligne le 12 novembre, une pétition anonyme s’indigne de la présence de McDonald’s au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil (SLPJ). Déjà signé par plus de 2 300 personnes, le texte s’offusque de la participation de "la multinationale emblématique de la malbouffe, de l’évasion fiscale et de l’exploitation de ses salarié·e·s" et réclame le départ de l’enseigne.
"Il est évident que, loin des préoccupations culturelles, le salon offre à McDonald’s un public de choix : des dizaines de milliers d’enfants à attirer dans leurs restaurants et une stratégie de communication en or. (…) [Leur] but est de vendre des hamburgers, [leur] présence au salon n’a qu’un objectif publicitaire", dénoncent les pétitionnaires, qui rappellent que sur 175 000 visiteurs attendus sur le salon, au moins 30 000 élèves feront le déplacement.
"Débat compréhensible"
"[McDonald's] a décidé de s'engager pour aller chercher les enfants là où ils sont, et parfois c'est dans ces restaurants qu'ils se trouvent en contact avec le livre", indique-t-on du côté d'Hachette Jeunesse. La maison d'édition met en avant les 44 millions de livres distribués dans le cadre de l'opération "Un livre ou un jouet". "Ce n'est pas rien", indique l'éditeur, même s'il juge le débat "compréhensible".
Du côté des organisateurs de l’évènement, on précise dans un communiqué que l’atelier de lecture de McDonald’s n’utilise qu’un millième de la superficie de la manifestation. Surtout, les gestionnaires du salon rappellent leur engagement pour le livre jeunesse en Seine-Saint-Denis et précise que "ces publics [de jeunes] sont aussi assez massivement ceux des restaurants McDonald’s". Au Parisien, la directrice du SLPJ Sylvie Vassallo confie toutefois qu’il ne s’agit pas d’un "débat facile", et annonce que le salon accueillera des "débats sur l’avenir de la planète, sur l’environnement, sur la nutrition… Nous souhaitons être dans le monde comme il est, ne pas dire ce qui est à penser mais apporter des éléments de réflexion."
Dans les colonnes du Monde, la direction de McDonald’s s’étonne quant à elle d’une "démarche qui stigmatise [son] engagement fort et inédit dans la distribution de livres (...) au plus grand nombre d’enfants". Depuis le début des années 2010, la firme américaine a multiplié les partenariats avec le monde du livre, principalement pour lancer des initiatives à destination des plus jeunes. En France, après une première collaboration avec Nathan en 2012, qui a abouti à la distribution de 5 millions d’ouvrages, l’éditeur Hachette Jeunesse a repris le contrat en 2014.
Également interrogé par le quotidien du soir, le président du Centre National du Livre (CNL) Vincent Monadé ajoute que « vu que l’école n’y réussit pas, il faut tout faire pour que les enfants lisent. McDo joue un rôle important dans le combat pour la démocratie culturelle. » Le CNL organise chaque année l’opération Partir en livre en partenariat avec McDonald’s afin de distribuer 100 000 euros de Chèques Lire aux enfants précarisés.
Un avis auquel ne se range pas le célèbre auteur jeunesse Claude Ponti, lauréat du prix Sorcières 2006 et habitué de la manifestation montreuilloise depuis sa fondation. Dans un billet de blog publié sur Medium et signé par une dizaine d’écrivains dont Marie Desplechin et François Bon, il se dit "consterné" et accuse le salon de "développer et soutenir le rayonnement de la marque. Les enfants qui mangent dans un McDo ne viennent pas nécessairement visiter" le salon. Au contraire, indiquent les signataires, cela "incite les enfants à aller dans un McDo". Et les auteurs de préciser : "Ce n’est pas parce qu’on donne un livre qu’on donne la lecture. La culture des enfants ne passe pas par le Malbouffeur".
Ici, on en parlait en 2013. Personnellement, j'ai pu constater l'évolution des livres proposés, passant d'un ramassis de "fun facts" illustrouillés à la truelle sans trop de ligne directrice, avec en plus la présence marquée du logo McDo dans l'ours, à des livres bien plus fins, éducatifs avec une ligne éditoriale soutenue, mêlant histoire et jeu d'observation sur des illustrations léchées, sans compter la disparition du logo McDo.
En rajoutant la possibilité de se procurer les ouvrages à 0.75 centimes environs, on peut lever toute objection. On peut donc aller acheter ces livres sans pour autant consommer, à moins que l'occasion d'un repas parental soit l'opportunité de récupérer autant d'exemplaires que disponibles à ce moment là en point de vente.